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Joanny Guillard nous a quittés

02/10/2018

Ce membre de l'Académie d'agriculture de France est décédé mercredi 26 septembre 2018.

Bernard Roman-Amat, Secrétaire de la Section "Forêts et filière bois", dans laquelle Joanny Guillard siègeait, lui a ainsi rendu hommage lors de ses obsèques, le 1er octobre 2018, en la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon (Côte-d'Or) :

"Je remercie sa famille d’avoir accepté que, par ma bouche, la communauté des forestiers, dont de très nombreux membres regrettent de ne pouvoir être présents, vienne partager sa peine et rendre hommage à Monsieur Joanny Guillard. Cette communauté vient de perdre avec Monsieur Guillard un de ses membres éminents. Je ne retracerai pas l’ensemble de sa carrière puisque ses fils viennent de le faire. Je m’arrêterai sur certains éléments que je trouve révélateurs de sa personnalité. Au plan physique, d’abord, la carrure de Monsieur Guillard évoquait cette pierre de Comblanchien, son village natal, calcaire dur à l’aspect du marbre. Cette interruption ensuite dans ses études supérieures, en 1944/45 pour faits de résistance qui lui ont valu la croix de guerre (il avait 21 ans), à propos de laquelle il était si discret. Tous ceux qui ont connu Monsieur Guillard au cours de sa vie professionnelle ont été frappés par ses qualités très affirmées. Sa puissance de travail, l’amenant à apprendre le russe à ses moments perdus dans son poste isolé du Nord Cameroun , et plus tard à compléter ses diplômes par un DES puis une maitrise en sciences économiques. Sa curiosité intellectuelle, étonnant ses camarades de l’école forestière lorsqu’ils le virent au cours d’une tournée, seul de sa promotion, faire sur son carnet le dessin du moteur de la 4cv. Cette même curiosité l’amena à effectuer, seul, pendant un congé et en quatre mois, une tournée en Afrique de l’Est pour découvrir les méthodes de foresterie que les Britanniques y mettaient en oeuvre. Monsieur Guillard, outre sa vision géographique large, avait un intérêt pour la profondeur historique, et a été un membre important du groupe d’histoire des forêts Françaises, comme en témoigne Mme Andrée Corvol. Monsieur Guillard avait le parler franc et le courage de ses idées, et sa rigueur intellectuelle pouvait s’exprimer de manière très percutante. Cependant, complétant un premier abord pouvant être sévère, ou intimidant, il accordait aux personnes une très grande attention, comme en témoignent ces nouvelles qu’il prenait encore récemment d’un ancien élève qu’il savait malade. Monsieur Guillard, chevalier de l’ordre du mérite, officier du mérite agricole et des palmes académiques, laisse un très riche héritage. Il a maintenu l’école forestière de Nancy pendant une période très difficile de son histoire, sachant prendre de bonnes orientations stratégiques comme la construction d’une résidence moderne pour les étudiants, qui a puissamment contribué à l’attractivité du site (et dont j’ai été un des premiers bénéficiaires). Il a introduit dans l’enseignement de l’école la discipline de l’économie forestière, ce qui a ouvert la voie à la création de l’actuel laboratoire de l’INRA. Grâce à lui, le site de Nancy renforcé a ensuite pu accueillir la formation d’ingénieurs déplacée de Nogent Sur Vernisson. Il a renforcé le pôle lorrain d’enseignement supérieur sur la forêt et le bois en contribuant à la création de l’ENSTIB à Epinal. Il a été le coordinateur de la première conférence internationale tenue au niveau des ministres et chefs d’état sur les questions forestières en 1986 (SILVA). N’interrompant pas son activité avec la retraite, il a entrepris la rédaction d’une somme sur l’action des forestiers français outre-mer, ouvrage soutenu et publié par l’école, auquel il a travaillé jusqu’à ses derniers jours et qu’il laisse malheureusement inachevé. A le voir si alerte intellectuellement, si assidu au travail, si pareil à lui-même, on oubliait que le temps passait, comme il arrive avec les grands chênes. Il a su être un maître par l’exemple, en montrant comment le forestier reçoit, fait fructifier, innove et transmet. C’est le métier du forestier. C’est aussi le métier d’homme. L’action de Monsieur Guillard mérite notre reconnaissance et notre admiration".