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La France et l’Europe pourraient se passer du soja importé : Des membres de l’Académie font des propositions en ce sens !

19/04/2021

Marie-Hélène Jeuffroy, Pascale Magdelaine, Claude Allo, Gilles Bazin, Jean-Marc Meynard, Jean-Louis Peyraud, André Pflimlin et Michel Rieu, déclarent :

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La pandémie Covid a remis la souveraineté alimentaire et l’autonomie en protéines en alimentation humaine et animale au rang des priorités nationales. Dans le secteur des protéines pour l’élevage la dépendance européenne qui atteint 30 millions de tonnes de soja dont 3,5 millions pour la France, est particulièrement inquiétante. Pour la France comme pour l’Union européenne (UE) plus de 90 % du tourteau de soja consommé est importé dont plus de 60% proviennent désormais du Brésil, concentrant de nombreuses critiques. C’est une quasi-monoculture, avec des variétés OGM sur d’immenses surfaces souvent acquises par déforestation et nécessitant des quantités croissantes de pesticides dont la moitié des matières actives sont interdites en UE. Pour faire face aux engagements pris par la France et l’UE de lutter contre le changement climatique et contre la déforestation importée, mais aussi pour répondre à la demande croissante des consommateurs pour des produits animaux nourris sans soja OGM, l’élevage français et européen pourrait-il se passer du soja importé ?

Au cours de sa séance du 31/03/2021, l’Académie d’agriculture de France (AAF) a exploré deux voies pour un changement radical (Revoir la séance en vidéo : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/... ). En réduisant de moitié l’ensilage de maïs dans la ration des vaches laitières, on pourrait supprimer le tourteau de soja sans pénaliser la production laitière. Cette réduction du maïs fourrage peut être compensée par des prairies riches en légumineuses, chaque hectare de maïs en moins permettant d’économiser environ un hectare de soja importé (étude IDELE-AAF à paraître). Parallèlement, en multipliant par 4 les surfaces actuelles en soja (soit 750 000 hectares) et en affectant l’essentiel de cette production aux volailles, on pourrait viser une quasi-autonomie pour cette filière. La combinaison des deux voies, en élargissant la suppression du soja à tous les bovins, permettrait à la France de réduire ses importations de soja de 80%. En renforçant la part des protéagineux dans l’alimentation animale, on pourrait se passer totalement des importations de soja. Pour l’UE, on pourrait également tendre vers l’autonomie globale - mais pas pour chaque pays - en ajoutant aux deux voies précédentes, la division par deux des consommations de soja par les porcs, une réduction qui a déjà été réalisée en France.

Pour concrétiser cette autonomie en France, il faudrait mobiliser deux millions d’hectares de légumineuses supplémentaires dont un million avec des prairies riches en trèfles et luzerne, et un autre million de cultures à graines, de soja en priorité mais aussi de pois, féveroles et lupins, ces protéagineux pouvant être associés à des céréales pour une utilisation en ensilage ou en grains. Le gouvernement français ayant retenu l’autonomie en protéines parmi ses priorités du Plan de Relance, il lui reste à réserver dans le Plan Stratégique National, une dotation suffisante combinant aides couplées et paiements pour services environnementaux, pour inciter les agriculteurs et les éleveurs à intégrer ces nouvelles cultures, clairement plus risquées que le blé ou le maïs mais hautement souhaitables pour nos consommateurs comme pour l’environnement, la biodiversité, la lutte contre le changement climatique. La France qui va présider l’Union Européenne en 2022 pourrait ainsi montrer le chemin vers la souveraineté alimentaire

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