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La biodiversité marine : un atout pour l’alimentation humaine ?

02/12/2020 à 14h30

 

En introduction de son récent rapport 2019 sur « l’état de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde », la FAO proposait la définition suivante :
« La biodiversité désigne la diversité du vivant au niveau génétique et au niveau des espèces et des écosystèmes. La biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture est le sous-ensemble de la biodiversité qui contribue, de diverses manières, à la production agricole et alimentaire. Il comprend: les plantes et les animaux domestiqués qui sont cultivés ou élevés (culture, élevage, forêts ou aquaculture), les forêts exploitées et les espèces aquatiques pêchées, les espèces sauvages apparentées aux espèces domestiquées, d’autres espèces sauvages prélevées dans la nature à des fins alimentaires ou autres, et la «biodiversité associée», c’est-à-dire la vaste gamme des organismes, micro-organismes compris, qui vivent au sein des systèmes de production alimentaire et agricole ou autour de ces systèmes, pourvoient à leurs besoins et contribuent à la production. Ici, le terme agriculture englobe la culture, l’élevage, les forêts, la pêche et l’aquaculture ».
Au cours de sa séance plénière à Paris, en mai 2019, l’IPBES fournissait un rapport d’évaluation mondiale alarmant de la biodiversité et des services écosystémiques, rédigé par 150 scientifiques « issus de toutes les grandes régions du monde et choisis en fonction de leur excellence scientifique ».
En écho à ces deux rapports et en réponse aux diagnostics de ces deux agences, nous avons jugé utile de proposer une séance spécialement consacrée à la biodiversité marine, envisagée comme atout pour l’alimentation humaine future.
Quelques chiffres relativisent le rôle des océans dans l’alimentation humaine actuelle. Pêcheries et aquaculture réunies (algues et animaux compris) fournissent à peine 30 % de l’apport alimentaire mondial total consommé par les humains, dont le régime carné est tributaire des ressources d’origine terrestre, insuffisantes compte tenu des besoins futurs d’une population mondiale estimée à 9-10 milliards d’habitants à la fin du XXI siècle. Dans ce contexte, les océans pourraient offrir un immense potentiel, ne serait-ce que par la superficie disponible aux pêcheries, égale à 4 fois les surfaces terrestres consacrées à l’agriculture. Ils offrent également un très important réservoir de biodiversité, compte tenu de la variété de leurs écosystèmes, des systèmes côtiers aux zones abyssales, se traduisant déjà par une gamme de plus de 600 espèces d’organismes (algues, invertébrés, poissons, oiseaux, mammifères) consommées régulièrement par au moins 40 % de la population mondiale.
Cependant, la stagnation des ressources marines exploitées, reliée aux effets cumulés de la surpêche, de la pollution, de l’acidification, ou bien du changement climatique, nous alerte sur les limites et la résilience des océans et nous incite à réviser de fond en comble nos conceptions sur la gestion et sur l’exploitation de leurs ressources. En particulier, des données américaines récentes recommandent une approche écosystémique de la gestion des ressources, basée sur l’évaluation de l’impact environnemental au moyen de l’analyse du cycle de vie (ACV) des diverses espèces d’un écosystème exploité, par exemple par la pêche industrielle. Les déviances du modèle actuel des pêcheries industrielles, pratiquées en haute mer, tendent à perturber l’architecture des écosystèmes surexploités, ignorant l’importance du rôle écosystémique et la valeur économique indirecte des autres composantes associées à la productivité des chaînes trophiques (cf. des invertébrés aux super-carnivores). D’où la nécessité croissante de créer des « zones marines protégées ».
A long terme, le défi alimentaire dépendra en grande partie du développement de l’aquaculture et de la pisciculture (taux de croissance actuel : 7 % par an) sur le plateau continental ou offshore (les milieux estuariens, côtiers ou terrestres étant déjà saturés, ou pollués, ou indisponibles à cause d’activités compétitives plus lucratives) ; les seuls domaines à pouvoir fournir simultanément espaces nécessaires et « nouvelles »  espèces végétales, ou animales appartenant préférentiellement à des niveaux trophiques <3. La biodiversité marine, de par sa richesse exceptionnelle, devrait également apporter des réponses grâce à de nouveaux supports scientifiques, techniques et biotechnologiques, offrant des perspectives de développement pour lesquelles la France pourrait renforcer sa position, en particulier dans son immense ZEE ; nécessitant par ailleurs coopération internationale, surveillance et protection.  
L’objectif de cette séance est d’apporter des informations spécifiques à ces différents thèmes, en fournissant à travers 3 exposés complémentaires, des pistes de réflexion sur les capacités de la biodiversité marine à relever les défis alimentaires futurs de nos sociétés.

Introduction
Exposé(s)
Les ressources marines au temps des grands défis planétaires
Dr. Philippe CURY , Directeur de recherche, IRD, Marseille
Les enjeux de la conservation de la biodiversité marine dans un contexte de développement durable : de l’exploration à la planification spatiale marine et à la gouvernance
Dr. Virginie TILOT de GRISSAC , MNHN, IOE, ASOM. Institut océanographique
Acquis et promesses de la biodiversité algale pour l’alimentation
Dr. Philippe POTIN, Directeur de recherche CNRS, SBR, Roscoff