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David Lindsay, Emeritus Professor of Agriculture in Australia

23/10/2018

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

Mesdames et messieurs les académiciens,

J’ai lu avec un intérêt perplexe le point de vue de quatre membres de l’académie d’agriculture française sur la question du bien-être animal[1].

Un point central a retenu mon attention concernant le fait que pour analyser le bien-être des animaux le point vue considère comme une erreur de prendre des mots utilisés habituellement pour analyser la psychologie humaine. Il est écrit que cet emprunt contribue à « Considérer l’homme et les animaux sur un même plan notamment par un vocabulaire communément utilisé avec une signification particulière chez l’homme, construit un continuum animaux-homme dangereux pour l’exercice même du métier d’éleveur… ». « Son avis et sa perception manquent dans l’avis de l’ANSES, dont l’anthropomorphisme sous-jacent posera inévitablement problème aux éleveurs… ».

Je ne parlerais pas ici de la confusion entre des champs différents, tels que définis pas Bourdieu. Il y a ici à mon avis confusion entre le champ scientifique, et dans ce cas les sciences cognitives, et le champ économique.

Le point de vue semble également basé sur des sous-entendus et sur des procès d’intention non explicités qui ne seront pas repris ici plus avant.

Mon interrogation porte sur le fait que le point de vue pose de façon centrale l’absence de légitimité de l’origine des hypothèses qui sont mises à l’épreuve.

Depuis plusieurs années, je donne des cours sur la rédaction scientifique auprès de scientifiques ou de futurs scientifiques dans différentes parties du monde. J’ai d’ailleurs explicité mes principaux messages dans un ouvrage, traduit en français[2].

L’hypothèse est un principe central de l’expérimentation scientifique. Elle est une attente du résultat d’une expérience basée sur toutes les informations connus et acceptables disponibles avant que l’expérimentation soit mise en œuvre. La valeur de l’hypothèse de la méthode scientifique est qu’elle assure de mettre en œuvre des expérimentations basées sur celles qui ont précédées plutôt que de répéter les mêmes travaux afin de générer de nouveaux résultats. Sa valeur n’est pas modifiée par les données dont elle est issue. Si les données disponibles dans la littérature sont abondantes et scientifiquement valides les résultats acquis en testant l’hypothèse renforcent les connaissances. Alternativement, si les connaissances préexistantes sont rares ou faibles la validation de l’hypothèse constitue la conclusion de ce qui peut être attendu et une expérimentation solide pour la tester permet d’obtenir une connaissance nouvelle et plus acceptable que ce qui existait avant cette expérimentation. Les éléments pertinents concernant l’hypothèse est donc qu’elle soit testable et basé sur les expériences acquises sans poser de condition sur sa validité en dehors de la référence à l’acquis. L’origine de l’hypothèse n’est pas l’élément pertinent. A. Damasio a d’ailleurs écrit un livre intitulé « l’erreur de Descartes »[3] où il met en avant le caractère souvent intuitif et émotionnel qui conduit le scientifique à formuler une hypothèse.

Il me semble donc, contrairement à ce qui est avancé dans le point de vue en question, que des hypothèses issues de résultats acquis sur les humains sont légitimes.

Je me tiens à votre disposition pour toute demande éventuelle d’éclaircissement.

Cordialement, David Lindsay Emeritus Professor of Agriculture Honorary Senior Research Fellow The University of Western Australia

Réaction au "Points de vue d'Académiciens" intitulé : "Bien-être animal : attention aux malentendus ! https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/bien-etre-animal-attention-aux-malentendus