Jeanne GROSCLAUDE, Président de l'Académie pour l'année 2015

Élue présidente de l’Académie d’Agriculture de France pour l’année 2015, Jeanne Grosclaude est une femme de convictions. Fière de ses origines montagnardes des Hautes Pyrénées, elle se définit comme un esprit libre. Bourreau de travail, après ses études à Bordeaux, elle intègre l’Institut National Agronomique major de sa promotion, à l’entrée comme à la sortie, à l’époque où les jeunes femmes étaient ultra minoritaires rue Claude Bernard. C’est là qu’elle prend goût à la zootechnie sous la houlette de Jacques Delage.

Dès son diplôme en poche en 1963, elle entre à l’INRA comme agent contractuel scientifique. Elle en gravira tous les échelons pour terminer sa carrière comme directeur de recherche de première classe. Elle choisit d’abord la génétique car c’était pour elle « la terre à défricher » dans le laboratoire dirigé alors par Jacques Poly et étudie le polymorphisme génétique des protéines du lait. Mais dès 1968 elle opte pour un parcours atypique, sur le conseil de François Gros, alors à l’Institut de Biologie Physico-Chimique, et rejoint pour deux années sabbatiques l’Institut Suisse de Recherches Expérimentales sur le Cancer à l’hôpital cantonal de Lausanne en Suisse, auprès de Klaus Scherrer qui revenait des Etats-Unis. L’objectif était de se parfaire en génétique moléculaire, alors en plein démarrage, et étudier les ARN messagers dans les cellules animales.

A son retour à l’INRA, elle  migre en Virologie, à Thiverval Grignon à la Station de Recherches en Virologie et Immunologie créée par Alain Paraf et dirigée par Jean Asso où elle contribue à identifier la protéine immunogène du virus de la fièvre aphteuse. L’INRA était en effet alors le seul organisme de recherche à associer virologie et immunologie par des approches moléculaires. Après l’interruption des recherches sur la fièvre aphteuse à l’INRA, elle développe la production des anticorps monoclonaux à des fins de diagnostic en agronomie et santé animale Mais avec le regret de constater, comme d’autres chercheurs, le défaut de politique de valorisation de l’INRA, politique qui ne sera mise en place que dans les années 80.

C’est à ce moment qu’elle débute, dans un parti pris d’interdisciplinarité, un cursus original d’aller retour entre science et technologie, par l’introduction d’appareillages basés sur des concepts scientifiques novateurs Cela a conduit à des avancées significatives en « réceptorologie », notamment sur les récepteurs des hormones lactogéniques.

C’est alors qu’est arrivée la crise de « la vache folle » sur laquelle l’INRA avait des antécédents du fait des recherches sur la tremblante du mouton. Cela l’a conduite  à s’intéresser aux fameux prions jusqu’à sa retraite, avec des incursions dans d’autres disciplines grâce à l’accès à d’autres laboratoires européens et industriels, tout en déplorant que l’INRA ait concédé l’hégémonie au CEA dans la mise au point des tests de détection du prion.

Mais c’est dans son engagement syndical à la CFDT que Jeanne Grosclaude s’est taillé une image de femme de devoir et de caractère. Elle se définit comme « un enfant de Mai 68 » où bien des barrières sont tombées, y compris à l’INRA, avec la prise de parole des ouvriers, des techniciens et de l’ensemble du personnel. Tout cela a débouché sur des réformes de structure, de représentation et une démocratisation de l’Institut, non sans freiner sa promotion interne dans la grande maison de la rue de l’Université. Cela l’a amenée, pendant 20 ans, à s’intéresser aux systèmes de recherche en France et en Europe, à travailler sur la Charte du chercheur en Europe, et tout particulièrement les derniers temps à aborder les relations entre science et société sur les questions de l’ESB et des OGM. Une expérience qu’elle met aujourd’hui au service de l’Académie d’Agriculture.

Sous le double parrainage de Raymond Février et de Gilbert Jolivet, elle à rejoint notre compagnie où elle a conduit une réflexion sur l’évolution des farines animales en protéines animales transformées, puis comme secrétaire de la section « Production Animale » avant de rejoindre le Bureau en tant que vice-présidente. Un nouveau challenge pour la présidente Jeanne Grosclaude, qui ne manque pas d’énergie et, on le voit, de compétences multiples…et qui a compris qu’à l’Académie d’Agriculture où règne le pluralisme « on travaille hors sol » et qu’il faut s’y mobiliser et s’y investir comme elle l’a toujours fait, avec passion.

Auteur: 
Jean-François Colomer