LE CONTEXTE
Des siècles durant, l’Homme a demandé à la Forêt des espaces à pâturer et à défricher : sa destruction rémunérait donc les propriétaires. La production ligneuse demeurait secondaire. Cela changea avec le développement des cités, des marines et des industries, la satisfaction de leurs demandes entraînant la diminution des surfaces et l’appauvrissement des peuplements. A la fin du XIXe siècle, Paul Descombes, apôtre des boisements montagnards pour réduire l’érosion des sols et les crues des torrents, et protéger les villes des plaines et les hameaux des hauteurs,
écrivait que « la sollicitude que les Nations apportent à la Forêt donne la mesure de leur prévoyance ».
Ces propos restent actuels : la forêt, conservée pour la fourniture de bois d’oeuvre, de bois de fente et de bois de feu, mérite aussi de l’être pour la protection civile : l’objectif inspira des politiques forestières et explique l’existence de forêts littorales et montagnardes, une réalité qu’ignorent souvent leurs visiteurs.
Ces mêmes années 1880-1890 virent également apparaître des motivations supplémentaires, mais secondaires : ajoutées à l’objectif précédent, elles pouvaient compliquer sa réalisation. Ainsi, les coupes rases sur des centaines d’hectares, fréquentes autrefois, cessaient-elles d’être admises au nom de la conservation paysagère. La cause, qui avait ses avocats, finit par triompher jusqu’au sein des forestiers domaniaux. Il y a donc tout à la fois stratification des demandes sociales et modification de leur hiérarchie.
Quelles sont les demandes actuelles ? Comment sont-elles relayées ? Comment influent-elles sur la gestion des forêts ? A terme, l’utilisation - contractuelle ou non - de l’espace forestier ne menace-t-elle pas le principe même de propriété, ou non - de l’espace forestier ne menace-t-elle pas le principe même de propriété, c’est-à-dire la faculté pour son détenteur de fixer les 1 objectifs à atteindre et les méthodes à appliquer ?
LE CONTENU
Les propriétaires sylviculteurs semblent peu au fait de leurs prérogatives, d’où, souvent, leur perception négative de la fréquentation forestière. Il est vrai qu’elle pose davantage de difficultés en secteur privé qu’en secteur public, l’Etat étant son propre assureur. Inversement, les visiteurs paraissent ignorer les réalités juridiques, en croyant l’espace forestier ouvert et offert à tous, d’où leur étonnement devant l’interdiction du hors piste, a fortiori devant la fermeture des pistes : comme leurs lointains aïeux, ils ont une vision très extensive de leur “bon” droit.
Pour l’heure, toutes les forêts ne sont pas touchées, mais le mouvement progresse puisqu’au début, il était limité aux forêts proches des capitales, Paris ou Bruxelles, et aux forêts que fréquentaient leurs élites, cas des forêts provençales ou ardennaises. Ces élites furent à l’origine des associations destinées à protéger le patrimoine sylvicole, au nom de la conservation paysagère, de la préservation écologique ou de l’importance touristique.
La situation de proximité relative, qu'il s'agisse de métropoles ou de villes moyennes, implique des aménagements particuliers, qui permettent d’accueillir les visiteurs tout en maintenant grosse modo la production ligneuse. Il peut cependant arriver que les autorités régionales ou municipales la jugent secondaire. La forêt est alors traitée en fonction des autres considérations. Lesquelles varient grandement selon les modes de "consommation » de l’espace forestier : le façonnement des peuplements et des dessertes ne saurait être identique pour un passant ou un sportif, pour les amateurs de moto verte ou pour les passionnés d’accrobranches, etc.
L'accueil de ces publics ne s'est pas effectué sans mal en forêts soumises : il fallut la circulaire de 1964 pour l’intégrer aux aménagements. Il pose aujourd'hui maintes difficultés aux particuliers, qu’il s’agisse du choix et du coût des équipements, ou des assurances nécessaires en cas d’accidents (chute de branches ou d’arbres par exemple). Au bout du compte, faute d’accord entre le propriétaire légitime et l’autorité territoriale, compromis qui ménage les points de vue et compense les contraintes, il ne reste plus qu’à envisager la cession de la forêt.
La séance vise à présenter l’approche de ces problèmes en France, en Suisse et en Belgique, au travers d’expériences différentes et de propositions innovantes.
Tous les membres de l’Académie d’Agriculture devraient être concernés. En fait, tous les citoyens le sont, quoique à des degrés divers.
Certains, les moins nombreux, participent au débat public quant à « la forêt de reconquête » : les reboisements anarchiques modifient les composantes paysagères, changements qui sont déplorés, mais dont le causes sont généralement mal connues du grand public.
Les autres, les plus nombreux, participent à celui de l’ouverture des forêts, de toutes les forêts, et vont parfois jusqu’à adhérer à des associations plus ou moins « environnementalistes », interlocuteurs incontournables des gestionnaires privés ou publics.
Comment organiser la concertation ? Comment envisager une réforme du droit forestier ? La forêt, que les citadins conçoivent comme un « espace de nature », voire un refuge du sauvage », doit-elle être ouverte à tous ? Avec ou sans contreparties ?