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Jean-Luc JULIEN

Real name: 
Jean-Luc JULIEN

Membres

Membre titulaire, le 09/12/2015
Membre correspondant, le 08/12/2010
Mini CV

Membre correspondant de l’Académie depuis 2010. Ingénieur agronome Rennes. Il occupe des postes de responsable du bureau de pédologie de l’office régional de mise en valeur des Doukkala, au Maroc, responsable agronomie à la chambre d’agriculture de l’Orne, directeur de l’association des laboratoires agro-alimentaires du Massif Central puis directeur de la station agronomique de l’Aisne, devenue laboratoire départemental d’analyses et de recherche. Responsable de plusieurs laboratoires d’analyse, il a une vision très large de l’analyse et de la gestion des analyses depuis la collecte des échantillons jusqu’à l’interprétation des résultats.

Diplômes significatifs

Ingénieur agronome ENSA Rennes

Domaines d'expertise

Agronomie, science du sol, statut acido-basique du sol

Fonctions professionnelles

ancien Directeur de la station agronomique de l'Aisne

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Date décès
19/04/2025
Éloge

Jean-Luc Julien
1950-2025

Jean-Luc Julien est décédé le 19 avril 2025 à l’âge de 75 ans. Il était membre titulaire de notre Académie depuis 2015, appartenant à la section 5 « Milieux et êtres vivants ».

Notre confrère a été formé à la science du sol par Alain Ruellan, lorsque ce dernier venait d’être nommé professeur à Rennes. Son enseignement de Ruellan a fortement marqué tout le début de sa carrière. Pour ses cours il fit intervenir de grands noms de la pédologie française comme Hénin, Jamagne… Il soulignait l’importance de cette formation de base ainsi que de longues journées de terrain tremplin pour répondre peu à peu aux problématiques pratiques, que ce soit pour l’irrigation au Maroc sur le périmètre d’irrigation des Doukkala (1977-1980), ou encore pour le drainage en Normandie.

A la Chambre d’Agriculture de l’Orne (1981-1989), ses responsabilités l’ont conduit à développer ses connaissances sur la conduite des cultures, essentiellement les prairies, le maïs et le blé, dans le contexte pédologique particulièrement diversifié des sols du Perche, notamment. Dans ce cadre il a publié le guide agronomique destiné aux techniciens et agriculteurs, réimprimé et largement diffusé après un premier tirage de 1500 exemplaires. En parallèle, en tant que membre du COMIFER, il a activement participé à la mise au point des normes d’interprétation des analyses de terre, travaux qui ont contribué à ce qui est devenu en 1993 la « méthode COMIFER » d’interprétation des analyses de terre.

Sa prise de fonction à Aurillac (1990-2000) au service d’un groupe de laboratoires d’analyses a été l’occasion d’une approche complètement différente des sols, de l’agronomie pour les fromages AOC du Massif-Central. Pour caractériser la disponibilité en phosphore des sols développés sur des matériaux volcaniques les méthodes classiques étant inopérantes, il a développé, mis au point et vulgarisé une méthode appropriée. Il a aussi adapté de nouvelles méthodes de diagnostic de l’herbe (les indices de nutrition) et de conduite du pâturage (la hauteur d’herbe) particulièrement performantes, ainsi que d’évaluation de la valeur des fourrages.

Jean-Luc a animé le Groupe Chaulage du COMIFER qui a été à l’origine de la rénovation de l’approche du chaulage, notamment dans ses conséquences sur la capacité d’échange en cations des sols en fonction du pH. Un des points majeurs de l'apport de Jean-Luc a été de démontrer que la capacité du sol à retenir les principaux cations échangeables (capacité d’échange en cations, CEC) varie fortement en fonction du pH. Cette dernière, essentiellement variable, est due aux charges électriques négatives principalement portées par les matières organiques. L’ensemble des travaux a été consigné dans un document intitulé « Le chaulage, des bases pour le raisonner » qui sert aujourd’hui de référence dans le domaine. Jean-Luc en a assuré la présentation auprès d’un public très large et en a montré l’importance pour le fonctionnement des sols tant chimique, biologique que physique.

A l’aube des années 2000 il a pris les fonctions de directeur du laboratoire d’analyses et de recherches des trois laboratoires du Conseil Général de l’Aisne. Il soulignait qu’à Laon, dans le même bâtiment, il a rencontré des chercheurs et des ingénieurs habitués culturellement à travailler ensemble et à mettre au point des outils qui ont ensuite été repris partout en France et même ailleurs. De nouveaux locaux performants ont été construits par le conseil général de l’Aisne, et l’unité d’agronomie INRA a suivi le LDAR dans ces nouveaux locaux. Pour sa part, il s’est attaché à ce que le laboratoire départemental développe de nouveaux partenariats pour faciliter les transferts de technologie, bien sûr en agronomie, mais aussi en hydrologie ou bactériologie. Jean-Luc était convaincu de l’importance de la synergie entre recherche et développement, il l’a incarné notamment dans les sujets communs traités par le LDAR et l’unité d’agronomie INRA, notamment la méthode du bilan d’azote et la réalisation puis la diffusion du logiciel AZOFERT®. Il s’est aussi très fortement impliqué dans l’animation au sein du Réseau Mixte Technologique (RMT) Fertilisation & Environnement,  et notamment il a participé avec moi et d’autres collègues, en 2011 au montage et à l’animation du groupe conjoint COMIFER-RMT d’appui à la mise en œuvre de la directive « Nitrates ». 

Jean Boiffin, qui a préfacé l’ouvrage écrit par Jean-Luc Julien, « Entre Agronomie et agriculture, La Station agronomique de l’Aisne » (paru en 2017 aux éditions L’harmattan), y écrit « Non content d’avoir été tout au long de sa carrière un trait d’union entre milieux scientifiques et professionnels, réputé pour son enthousiasme communicatif, … il [Jean-Luc Julien], nous livre grâce à cet ouvrage, sur plus d’un siècle, la chronique riche et documentée d’une étrange institution : la Station Agronomique de l’Aisne (SAA) ». Jean-Luc y a présenté en particulier les repères historiques sur la recherche-développement agronomique en France, et la chronique de l’agriculture de l’Aisne et de ses institutions, ce qui en fait un ouvrage passionnant pour les agronomes, bien au-delà des ingénieurs et chercheurs qui y ont travaillé. Des scientifiques aussi éminents qu’Albert Demolon (1909-1927) et Jean Hébert (1959-1986) ont été directeurs de cette station, puis Jean Boiffin (1986-1993) et Jérôme Guérif (1993-2000) avant que les deux structures (INRA et SAA) se séparent avec deux directions distinctes, et c’est à cette date que Jean-Luc a pris la direction du LDAR, ce qui n’a pas empêché la poursuite des nombreuses collaborations communes.

Jean-Luc Julien nous indique que la meilleure maîtrise de la production agricole,  passe par la valorisation des acquis de la recherche plus fondamentale par les « gens de terrain », tout en répondant aux attentes de la société. Il souligne que « les ingénieurs, comme lui, jouent une partition particulière qui repose souvent sur des rencontres, des relations personnelles, en partie dues au hasard, en partie favorisées par des réunions ou des colloques organisés des institutions comme le COMIFER, l’INRAE, l’AFES ou l’Académie d’Agriculture de France ». « Ainsi, en 1999, c’est bien grâce une séance spéciale de l’Académie d’Agriculture qu’a pu être vulgarisée la nouvelle approche du chaulage ». Il poursuivait : « Pour les jeunes générations, il me semble très utile d’œuvrer à la poursuite de l’action de ces institutions ».

Jean-Luc n'aura jamais cessé d'approfondir ce qui devait fonder le conseil auprès des agriculteurs. Il aura joué un rôle majeur au sein du Groupe chaulage du Comifer et tenu à s'investir, au cours de ces dernières années, avec une énergie peu commune dans la rédaction de plusieurs articles de l'Encyclopédie de l'agronomie et dans Étude et Gestion des Sols. Par son dynamisme, son charisme et sa générosité, son sens de l'intérêt général et sa grande compétence agronomique, Jean-Luc était de ceux qui vous aidaient, envers et contre tout, à croire que le métier d'agronome a un sens, et même que c'est un beau métier.

Daniel TESSSIER et Sylvie RECOUS