Ingénieur agronome INA
L'agronomie de la prairie, le lien du terroir au produit, la détermination de la demande en minéraux des cultures par analyse chimique de la plante
Président honoraire du centre INRA d'Angers
Directeur de recherche émérite de l'INRA
Consultant à l'INAO
Jean SALETTE
(1936-2017)
Jean Salette nous a quittés le 1er août 2017, à l'âge de 81 ans ; né le 24 novembre 1936 dans les Hautes-Pyrénées, il effectue ses études secondaires au lycée de Pau et entre à l’INA en 1957. Diplômé ingénieur agronome en 1960, il entre à l’INRA le 1er octobre 1959 pour y préparer le concours d’assistant. Il accomplit toute sa carrière à l’INRA et fait valoir ses droits à la retraite le 31 octobre 1997. Il est nommé directeur de recherches émérite de l’INRA en décembre 1997. Marié, il a 6 enfants.
« Etudier les sols en rapport avec ce à quoi ils peuvent servir, dans une démarche d’agriculture comparée : comment un peuplement végétal se comporte-t-il en fonction des conditions du sol en des sites différents » a été certainement le fil conducteur de sa carrière de chercheur.
A l’initiative de Jean Bustarret, Jean Salette part aux Antilles dès juin 1962 ; il va proposer et entreprendre des travaux sur les plantes fourragères, projet appuyé par un rapport de Raymond Février. Il démarre ses recherches en Guadeloupe en Mai 1963 et y restera jusqu’en juin1972.
Souhaitant approfondir ses recherches en métropole, Jean Salette est nommé directeur de la station d’agronomie à Angers, qu’il a la charge de créer – le centre d’Angers vient tout juste de se mettre en place avec la station de phytobactériologie en 1970 venant étayer la station d’arboriculture fruitière et celle d’œnologie. Tout en orientant la nouvelle station d’agronomie sur l’horticulture ornementale – étude des substrats et de la fertilisation des plantes en conteneurs - il crée une antenne expérimentale d’agronomie de la prairie sur la Station d’Amélioration des Plantes Fourragères à Lusignan. Il recrute alors Gilles Lemaire, notre confrère de la section 5, avec qui il va développer une approche à l’époque assez originale de l’agronomie de la production fourragère. Alors que la production fourragère était essentiellement étudiée sur la base de « rendement récolté par coupe » ou sur la base d’un « total annuel d’herbe récolté » permettant d’établir des courbes de réponse de la production aux niveaux d’intrants appliqués, l’approche mise en œuvre consistait à mesurer la dynamique de la croissance de l’herbe (vitesse de croissance) en réponse aux facteurs du milieu (climat, type de sol, niveau de nutrition minérale), le rythme d’exploitation (fréquence des coupes et de pâturage) intervenant alors comme une source de perturbation de la dynamique de croissance de l’herbe. Cette révolution conceptuelle de l’analyse conjointe des effets des modes d’exploitation appliqués à la prairie et des effets du milieu (sol, climat et niveau nutritionnel des plantes) a été possible grâce à une collaboration étroite de Jean Salette et Gilles Lemaire avec Michel Gillet qui avait à la même époque largement réfléchi à la physiologie intégrée des graminées fourragères. Cette conception essentiellement dynamique du fonctionnement de la prairie s’était imposée à Jean Salette en milieu tropical où l’herbe pousse en continu… Jean Salette a su fédérer cette nouvelle approche en écrivant un rapport dès 1985 « Réflexions sur l’agronomie de la prairie : une problématique renouvelée, un enjeu pluridisciplinaire », à destination de la Direction Générale de l’INRA en plaidant pour un regroupement des forces de recherche autour de la prairie et une plus grande osmose entre le secteur végétal et le secteur animal…Ce rapport certainement trop en avance sur son temps a eu peu d’impact structurel sur l’INRA, mais il est resté le point de rencontre et le fil directeur entre des individus et des groupes venant d’horizons disciplinaires assez éloignés. Ainsi Jean Salette a su attirer sur la prairie les chercheurs en Physiologie Végétale de l’Université de Caen et animer des équipes somme toute un peu dispersées dans le grand Ouest autour de concepts nouveaux et d’une vision plus intégrée du fonctionnement de la prairie.
En lien avec la station d’œnologie, Jean Salette décide d’aborder la problématique terroirs-vins, ou comment faire correspondre différences entre sols et différences entre vins. René Morlat arrive à la station d’Agronomie en 1973, pour y effectuer une thèse de 3ème cycle de pédologie. Sa venue est liée à des relations entre Jean Salette et Jacques Dupuy, Directeur du labo de pédologie de la Faculté des Sciences de Poitiers, où Morlat avait fait ses études supérieures et son stage de DEA.
Après avoir fait un rapport biblio sur les sols et la géologie du département du Maine&Loire, montrant que le domaine d’études était beaucoup trop vaste, les discussions scientifiques entre Jean Salette et son thésard les amènent à restreindre la zone d’études aux sols calcaires du Sud Saumurois. La Thèse de Doctorat se faisant sous l’égide de la Station d’Agronomie, il fallait que le sujet de thèse comporte une partie relations sol/plante. La vigne fut naturellement choisie, compte tenu de l’importance du vignoble dans le Saumurois. Ainsi, une bonne partie de cette thèse de 3ème cycle, soutenue en 1975, traita des relations sol-vigne.
A la fin des années 1960, sous l’impulsion d’Edgar Pisani (Ministre de l’Agriculture) se développèrent l’étude et la cartographie des sols, en lien avec les aménagements hydrauliques du Val d’Authion, afin de connaître et valoriser les diverses potentialités de cette zone. La toute nouvelle station d’agronomie d’Angers fut partie prenante de ces travaux qui développèrent, l’horticulture, le maraîchage et les cultures spéciales semencières qui assurent, encore aujourd’hui le rayonnement de cette région.
Au début des années 1980, la connaissance des sols des vignobles de Saumur, Chinon et Bourgueil, permit de mettre en place un réseau multilocal de placettes expérimentales, nécessaires pour aborder l’étude de l’effet terroir en viticulture. Les travaux se développèrent sur les relations Terroir/Vigne/Vin, intégrant aussi les divers acteurs de la filière (vignerons, conseillers viticoles, INAO, ONIVINS,….). Ce fut l’un des premiers exemples de recherches interdisciplinaires à l’INRA. C’est sous l’impulsion de Jean Salette que le Groupe Vigne et Vin angevin se constitua.
Dans les années 1990, Jean Salette et l’Unité de Recherches sur la Vigne et le Vin initient le Groupe national de réflexion et d’échange sur les terroirs viticoles, entre l’INRA et l’INAO, qui a conduit à la formalisation et à la valorisation du concept de terroir viticole, avec des applications pratiques en matière de délimitation des AOC. Dans cette dynamique, s’est tenu, en 1996, le premier colloque international sur les Terroirs viticoles à Angers, qui depuis a lieu tous les quatre ans dans divers pays viticoles. Du fait de son expérience sur les terroirs, Jean Salette est nommé représentant de l’INRA de 1992 à 1998 au comité national de l’INAO et Président du Comité scientifique de l’interprofession des AOC cidricoles.
Jean Salette a été Administrateur du Centre d’Angers de 1976 à 1980, Président de ce même Centre de 1985 à 1997, Délégué régional INRA en Basse-Normandie de 1995 à 2000. Il aura exercé la fonction de directeur de laboratoire pendant 30 ans et 6 mois, celle de responsable du centre INRA d’Angers pendant 17 ans. Elu correspondant national en 1996 puis membre titulaire en 2001 de l’Académie d’Agriculture de France.
De grande culture, assez éclectique, provoquant, mais faisant toujours réfléchir, Jean Salette maniait la langue française avec talent et raffinement; fin gourmet, il a développé et approfondi les notions d’origine, de provenance et surtout de typicité d’un vin, d’un produit - voir son témoignage dans Archorales, tome 9, ainsi que son livre :
Propos éclectiques d’un agronome, L’Harmattan, 2014, 167 pages.
Yves Lespinasse, avec les témoignages et contributions d’André Gallais (Section 1) et Gilles Lemaire (Section 5).