Qui n’a pas entendu parler de « fake news », symptômes d’une nouvelle ère, celle de la post-vérité ? Utilisée dans un premier temps dans le monde politique, cette notion a pénétré d’autres univers, dont celui de la science. Si la désinformation a toujours existé, aujourd’hui la vitesse de propagation par les réseaux sociaux lui donne une puissance bien difficile à endiguer …
A cette situation, s’en ajoute une autre plus « machiavélique », au plus proche de la démarche scientifique : le doute méthodique, fondement de la démarche scientifique dans la progression de connaissances, est alors instrumentalisé en vue de la production d’une ignorance stratégique. Il s’agit, entre autres, de simuler la science afin de retarder, voire contredire, des résultats qui seraient contraires à certains intérêts privés, ainsi que le montrent notamment les recherches en histoire des sciences sur l’industrie du tabac. Les scientifiques, les experts, les journalistes, en sont la cible.
Face à ces deux situations, d’infox et de stratégie de doute, la réponse du monde scientifique sera différente : d’un coté une course à la dénonciation adossée aux institutions scientifiques mais peut-être vaine au vu des mécanismes de communication en jeu ; de l’autre, l’absolue nécessité pour les scientifiques de s’interroger sur l’objet des controverses, mais surtout sur l’objet de leurs certitudes, afin de ne pas donner prise aux stratégies de doute.
Dans ce contexte complexe, qu’advient-il de l’expertise ? Peux-t-on encore se permettre de douter ? L’expert joue un rôle central entre le scientifique et le politique. Il contribue à délimiter certitudes et incertitudes. Mais, en lien même avec son positionnement de proximité avec le monde politique, il en subit les remises en cause. Il faut donc rappeler avec les juristes que c’est l’expertise qui fait l’expert et revisiter son intervention dans l’espace public. Que nous apprennent alors les sciences sociales, quand elles sont impliquées dans l’expertise ? La séance croisera des analyses philosophique, juridique et sociologique avec celle d’un témoin pour éclairer ces transformations.
Directrice honoraire de l’IHEST