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Jean LHOSTE

Real name: 
Jean LHOSTE

Membres

Fonctions professionnelles

Conseiller scientifique en phytopharmacie, spécialiste de l'Histoire de Sciences agronomiques

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Date décès
01/12/2010
Éloge

Jean LHOSTE
(1913- 2010)


Notre confrère, Jean Lhoste nous a quittés le 1er décembre 2010, à l’âge de 97 ans.
Il était né  le 19 septembre 1913 à Charenton-le-Pont. Dès sa prime jeunesse, il a été initié aux sciences naturelles par son père Lucien qui, à côté de ses activités professionnelles chez Vilmorin, occupait ses loisirs à herboriser et à collectionner les insectes. Après avoir fréquenté l’école communale de sa ville natale, il commença ses études secondaires au lycée Charlemagne à Paris. Malheureusement, il dut les interrompre au moment de passer le baccalauréat suite à une grave maladie dont il gardera les traces toute sa vie.
Une fois remis, et grâce aux relations que son père entretenait avec les entomologistes de son temps, il put entrer en 1932 au laboratoire d’entomologie du Muséum qu’il fréquenta jusqu’en 1939. Sa position de travailleur libre lui laissa assez de temps pour  reprendre, d’abord ses études secondaires (baccalauréat en 1935) et ensuite préparer  une licence-ès-sciences naturelles obtenue en 1939 à la Sorbonne .
A la déclaration de guerre, il quitta le Muséum. Cherchant un emploi plus stable, il obtint un poste de professeur de sciences naturelles à l’école primaire supérieure de Lens. Mais ce passage dans l’enseignement fut bientôt interrompu par l’exode.
Après l’Armistice, il retourna au Muséum et fréquenta en même temps, comme attaché de recherche, le laboratoire d’anatomie comparée et d’histologie  de la Sorbonne où il mena une activité purement entomologique.
Peu de temps après, le professeur Veyssière qui le connaissait bien et l’appréciait, le mit en relation avec G. Tesmar, PDG de la Société des matières colorantes et produits chimiques de Saint-Denis, qui lui confia la direction (1941) du département biologie du laboratoire de recherche agronomique qu’il venait de créer au sein de sa société. Jean Lhoste y restera jusqu’en 1957 et participera activement au développement des premiers pesticides organiques de synthèse qui, à partir de 1945, allaient complètement transformer la protection des cultures.
Cette nouvelle activité lui permit de se rapprocher de ceux qui allaient être les fondateurs de la phytopharmacie: Trouvelot, Raucourt, Viel à la station INRA de Versailles et de leurs homologues en Grande-Bretagne, en particulier le Dr Potter de la Rothamsted-Experimental Station, près de Londres.
Malgré une lourde charge de travail et de nombreuses  responsabilités, il s’efforça de poursuivre en Sorbonne et au Muséum ses recherches en entomologie, ce qui lui permit de soutenir en 1957 sa thèse de doctorat d’Etat-ès-sciences naturelles intitulée « Données sur l’anatomie et l’histophysiologie de Forficula auricularia (dermaptère) ».
Une nouvelle opportunité allait bientôt s’offrir à lui. En effet, dès 1953, deux petits laboratoires du sud de la France : l’un à Beaucaire dirigé par Levallois, l’autre à St Marcel, près de Marseille, dirigé  par Granjon, décidèrent de s’unir pour créer à Saint-Marcel, sous le nom de Procida, une véritable unité de recherche phytosanitaire avec laboratoires et station expérimentale. Après plusieurs années de tâtonnements, Granjon fit appel, en janvier 1958, à Lhoste pour assurer la direction scientifique de ce laboratoire qui ne verra son plein développement qu’en 1960 après son rachat par Roussel-Uclaf. Il deviendra alors le Centre de recherche de biologie appliqué de Saint-Marcel (CRBA), branche du département Agrochimie de Roussel-Uclaf-Procida. Sa mission sera d’évaluer les éventuelles activités biologiques des produits élaborés par les chimistes dans les laboratoires de synthèse de Romainville.
Partageant son temps entre le siège de Procida à Paris et le CRBA à Saintt-Marcel, Lhoste y déploiera pendant 20 ans, jusqu’à sa retraite, une activité débordante. Il contribuera, entre autres, au développement des pyréthrinoïdes photostables. Grâce aux relations qu’il avait toujours gardées avec les chercheurs anglais, il mit en relation M. Eliott, l’inventeur de la deltaméthrine, avec les chimistes de Roussel qui mirent au point sa synthèse industrielle et assurèrent ainsi son développement.
Conscient de la nécessité de faire profiter les pays en développement, et en particulier les ex-colonies françaises d’Afrique Noire, des progrès réalisés en protection des cultures, il y effectua de nombreuses missions et fut un des promoteurs de la Station expérimentale de Bouaké (Côte d’Ivoire).
Parallèlement, il fut sollicité tout au long de sa vie professionnelle pour animer de nombreuses commissions, groupes de travail et sociétés savantes telle l’Académie d’Agriculture de France dont il fut nommé membre en 1970. Il en avait reçu auparavant la médaille d’or (en 1956). A chacune de ses interventions, il s’efforçait toujours de concilier les exigences de l’industriel et celles du scientifique.
Il fut également l’organisateur ou le co-organisateur de nombreux colloques nationaux ou internationaux comme, en 1974, le congrès «  Lutte contre les insectes en milieu tropical, en cultures et en santé humaine » où, pour la première fois, participèrent des entomologistes agricoles et des entomologistes médicaux et vétérinaires.
Enfin, soucieux de la transmission de ses connaissances, il prit une part active à l’enseignement de la phytopharmacie à l’ORSTOM, dans les Écoles agronomiques et à l’Université. Dans ce contexte, il publia tout au long de sa vie professionnelle de nombreux ouvrages techniques sur les pesticides et prit soin de rassembler l’ensemble de ses travaux dans plus de 300 publications scientifiques.
Ayant la plume facile, il se mit «  à flirter avec la littérature » en écrivant, soit seul, soit en collaboration, des ouvrages de vulgarisation et des livres historiques sur les entomologistes français, la phytopharmacie française et la phytopathologie. On y trouve de nombreux souvenirs personnels, souvent présentés avec humour.
Il consacra alors ses loisirs de retraité à une occupation toute différente : l’étude des armes blanches auxquelles il s’intéressait depuis 1946. Il y apporta la même rigueur que celle qu’il avait consacrée aux insectes et aux  maladies des plantes. En 1974, parut, en collaboration, d’abord un premier ouvrage général, richement illustré, suivi de trois autres portant respectivement sur les sabres, les épées et les poignards. Tous furent largement appréciés non seulement dans les milieux militaires, mais aussi par des personnalités du monde politique. Le Président Chirac le félicita « pour la remarquable clarté et le souci particulier du détail avec lesquels il avait abordé la grande famille des sabres ».

Tous ceux qui l’ont connu garderont de Jean Lhoste le souvenir d’un collègue  chaleureux et convivial, d’un enthousiasme communicatif et d’une grande générosité. Sa curiosité perpétuellement en éveil et l’étendue de ses connaissances ont toujours impressionné ses interlocuteurs et ceux qui ont travaillé sous ses ordres ont apprécié la finesse et la pertinence de ses jugements.

Si, en tant que scientifique et industriel, il a largement contribué au développement de la phytopharmacie en France et à l’étranger, il restera, avant tout, un des derniers savants naturalistes du XXe siècle.

Espérons que cette courte notice contribuera à lui rendre l’hommage qu’il mérite.

Charles Descoins
Membre de l’Académie d’Agriculture de France