L’agriculture est longtemps restée à l’écart des questions du droit de la concurrence, en grande partie parce que la PAC avait notamment pour objet de donner un cadre économique aux productions, sur les volumes et sur les prix. L’orientation prise par la PAC, au fil des réformes successives depuis 1992, de rapprocher les producteurs du marché a entrainé une plus grande sensibilité de ces derniers et de leurs organisations au droit de la concurrence. Certes des alertes avaient déjà eu lieu – notamment dans l’affaire de la viande bovine, pour laquelle des organisations syndicales avaient été assez sévèrement condamnées pour entente.
Dans une période plus récente, des producteurs et leurs OP d’endives ont été condamnés par l’ADLC en 2012, puis des producteurs de farines et de produits laitiers.
Ces condamnations ont fait apparaitre que d’une part il existait un flou et des ambiguïtés sérieuses sur l’articulation dans le TFUE entre les articles définissant les objectifs de la PAC et ceux posant le principe d’une concurrence libre et parfaite- au demeurant figurant dans le Traité de 1957-
L’approche « banalisante » du droit de la concurrence, assimilant les producteurs agricoles à d’autres acteurs du marché, a fait la preuve de son inadéquation aux problématiques de ce secteur, en prenant insuffisamment en compte les fortes asymétries entre les producteurs et le marché, liées à un nombre important d’acteurs à l’amont et un nombre très restreint à l’aval, la distribution étant très concentrée, et aux aléas de productions propres à l’agriculture.
Des évolutions en cours du cadre juridique des relations économiques entre les agriculteurs et leur aval visent à remédier aux défauts constatés : règlement OMNIBUS, adopté à la fin de l’année, plans de développement des filières, et par là même les pouvoirs des interprofessions, et à venir une proposition de directive européenne sur les relations avec la distribution. L’arrêt de la CJUE du 14 novembre 2017 a confirmé que les objectifs de la PAC primaient sur ceux de la concurrence et a fixé des limites – étroites il est vrai- sur les possibilités d’échanges d’information et de régulation des volumes et des prix. Pour faire face à la concentration de la distribution, les coopératives elles- mêmes se concentrent sous la surveillance de l’Autorité de la Concurrence, qui n’intègrent pas dans ses critères d’appréciation les caractéristiques propres des coopératives et notamment le principe de double qualité.
Le moment est donc pertinent pour faire le point sur les évolutions en cours et sur celles qui seraient utiles pour que le droit de la concurrence réponde à sa fonction : être un facilitateur de compétitivité par un fonctionnement plus efficient des marchés, ce qui bien sûr ne clôt pas le débat sur la nécessité de la régulation.
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