Les progrès techniques des 70 dernières années et en particulier les progrès de l'agrochimie nous permettent aujourd’hui de produire sans avoir recours aux rotations. En plein champ les monocultures (blé, orge, maïs, etc.) et les rotations très courtes (inférieures à 3 ans) sont des pratiques courantes. Par ailleurs les cultures hors sol (cultures hydroponiques) se développent à grande vitesse. Dans ces conditions a-t-on encore besoin de s'intéresser aux rotations ?
L'intérêt des rotations longues (4 à 8 ans) ou très longues (> 8ans) est de maintenir ou d'améliorer la fertilité des sols (au sens très large : fertilité physique, fertilité chimique, maitrise des bioagresseurs) en ayant recours à un minimum d'intrants extérieurs à l'exploitation. Indirectement les rotations longues ont donc pour effet de diminuer l’impact de l’agriculture sur l’environnement. Une rotation bien conçue conduit à une agriculture plus "autonome et économe" (cf. Jacques Poly !) ; on dirait aujourd'hui plus résiliente et plus durable !
Pour allonger les rotations il faut introduire des cultures de diversification qui pourront être valorisées par des monogastriques et/ou des prairies qui seront valorisées par des ruminants. L'introduction d'animaux dans les systèmes de production est le meilleur moyen pour améliorer le recyclage des éléments minéraux et améliorer la fertilité physique des sols.
Les enquêtes « pratiques culturales » réalisées par le ministère de l’agriculture en 2011 répertorie 5300 rotations distinctes regroupés en 125 groupes de succession de cultures. Cette grande diversité de cultures pourrait permettre d’avoir des rotations longues. En réalité l’analyse des résultats de cette enquête montre que les surfaces en grandes cultures ont fréquemment des rotations de 2 ou 3 ans.
Est-on capable de mesurer les économies d'intrants réalisables avec des rotations longues, leur faisabilité technique, la rentabilité de ces systèmes, et de chiffrer l'impact sur l'amélioration de l'environnement dans toutes ses dimensions (qualité de l'eau, de l'air, des sols, économie d'énergie, biodiversité, etc) ? Quels moyens de recherche doit-on mettre en œuvre pour ces chiffrages ?
Quels sont les arguments qui peuvent convaincre les pouvoirs publics et les agriculteurs pour réinvestir sur les rotations longues alors que nous vivons dans un monde court-termiste. Les agriculteurs optimisent leur assolement en fonction des prix des produits agricoles. Cette stratégie était justifiée quand les prix agricoles étaient stables (avant la réforme de la PAC de 1992), elle ne l’est plus quand les prix fluctuent rapidement et fortement (du simple au double). Cependant il faut au moins une décennie pour mesurer les effets positifs (en particulier la réduction des coûts de production) d'une rotation longue.